Chanteuse et comédienne, Pauline Julien était, au début des années soixante-dix, une figure proprement mythique au Québec, qui alliait l’attrait, déjà très important, d’une vedette de la chanson et du cinéma, à la puissance magique de cette affirmation identitaire des Québécois.
Elle n’avait peut-être pas la voix d’une Ginette Renaud, ni celle de l’enfant-vedette Céline Dion, et elle n’avait pas, non plus, la sexualité brute de la jeune Diane Dufresne ; mais elle avait, pourtant, quelque chose d’encore plus puissante, car à travers l’ensemble de sa voix, de sa figure, de son romantisme lyrique, de sa sensualité et de sa passion, elle parvenait à donner corps, dans sa seule personne, à l’esprit et aux rêves du peuple québécois tout entier.
Le mouvement d’indépendance dépendait, bien-sûr, d’un nexus qui réunissait intellectuels et artistes. La transmission de l’idée passait par les journaux, par le livre, et par le disque ; mais dans sa forme la plus influente et immédiate, le rêve nationaliste se vivait dans des spectacles, et dans des rassemblements — mi- manifestation, mi-fête — qui passaient de la chanson réponse partagée dans le café-cabaret du coin jusqu’aux attroupements massives aux allures de Woodstock qui se sont éventuellement produites, à Montréal (sur la montagne), à Québec (sur les Plaines d’Abraham), et à l’échelle réduite, dans chaque village du Québec au moment culte de la Saint-Jean-Baptiste.
Pauline Julien était une présence constante dans cette scène de spectacles engagées et elle répandait, en plus des siennes, les chansons des plus influents auteurs Québécois : tel Vigneault, Leclerc et de dizaines d’autres. Dans ce mouvement et dans cette ambiance, je crois ne pas exagérer si j’affirme que Pauline entrait en scène — et fut accueillie par le publique — comme la personnification directe du rêve national, telle que la Dame Liberté fut représentée dans certaines toiles de la Révolution Française ; le tout rendu d’autant plus saisissant de par son aspect fragile et vulnérable — mais tant indomptable.
Quand Pauline Julien chantait le martyre du peuple Québécois, il n’y avait pas un seul œil, dans la salle, qui ne se mouilla pas ; et quand elle chantait la Renaissance Nationale, il n’y avait pas un, qui ne fut pas debout.