(Tome Deuxième : Sous l’ombre de l’euthanasie — Partie B : L’euthanasie et l’économie — Section I : La santé personnelle et les soins curatifs — Chapitre : La vie, la mort, la magie et la médecine : à la poursuite de l’immortalité)
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— Les espoirs et les dépenses, infructueux mais illimités, des personnages princiers d’antan
À travers toute la période historique, aussi, nous remarquons les récits de gens riches et puissants qui espéraient — contre toute logique et contre toute expérience — s’échapper personnellement à la tyrannie de la mort ; ou à tout le moins, de s’y soustraire le plus longtemps possible.
Pour obtenir la santé, la jeunesse, l’immortalité (ou à défaut de ceux-là : la simple survie, quelque peu allongée, humaine et souffrante) ces grands personnages s’entouraient de médecins dont la réputation prétendait à la possession de connaissances, franchement, d’une profondeur qui dépasserait les limites du monde naturel.
Forcément. Car leurs maîtres princiers étaient aussi des personnes rationnelles, sachant fort bien que mourir soit la nature de l’homme. Mais peu importe ! Qu’à cela ne tienne ! Aveuglés par une crédulité qui semblerait volontairement obtuse, néanmoins, ils investissaient des fortunes incalculables dans l’espoir de tricher, eux-mêmes, ce destin mortel commun ; et cela, en dépit de tous les exemples qui se présentaient, devant leurs yeux et dans la sagesse collective ; d’autres hommes — également riches, également puissants — qui auraient tous échoué dans le même dessin.
Nous voyons, aussi, également et en contrepartie, des personnages de guérisseurs-culte, tant persuasifs, tant effrontés — tant capables de s’insinuer dans la grâces des potentats ; de se faire entendre ; de se rendre nécessaires — au point, même, qu’ils soient parfois devenus, eux-mêmes, des puissances politiques.
— Les médecins-sorciers, toujours près du trône, et les trois visées essentielles du pouvoir occulte
Tel fut, par exemple, le célèbre Grigori Raspoutine : un paysan Russe illuminé qui aurait réussi à monnayer une prétendue capacité, de soigner l’hémophilie de l’enfant prince, Alexei, par une ascendance presque religieuse sur l’esprit de la Tzarine Alexandra, dont l’influence exercée à son tour (sur le Tsar Nicholas II, dernier des Romanov) rendait le dit Raspoutine effectivement maître du cour Impériale Russe, et donc, des destins de la nation. Tels en fait (sans exagération et d’après notre récit historique commun) sont les extrémités dans le prix à payer, qui peuvent être jugées acceptables, par une mère désireuse de protéger la vie de son enfant.
Or, réagissant à ce marché des plus lucratifs, plusieurs des hommes parmi les plus géniaux de chaque génération, se sont dévoués à la maîtrise des forces vitales. Très pertinemment, d’ailleurs : parmi tous les programmes de la recherche humaine, il serait estimé que la plus grande partie du temps et des argents disponibles s’est investie dans trois entreprises seulement : 1. la création d’un être vivant ; 2. La fabrication de l’or à partir de matériaux « basses » ; 3. la découverte du secret de la jeunesse éternelle.
Voilà, sans pudeur, les désirs premiers de l’être humain. La maitrise de la force vitale. La richesse. L’immortalité.
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— Les proto-scientifiques de la transition : une quête magique qui s’est transformé, tranquillement, en recherche rigoureuse
Décidément, telles étaient les préoccupations essentielles des magiciens depuis toujours, et tels furent les buts annoncés, aussi, des alchimistes du monde médiéval (philosophes-empiriques qui occupaient un rôle de transition charnière dans notre histoire des connaissances) à mi-chemin entre la magie pratique et la science proprement dit.
Il serait possiblement surprenant, d’ailleurs, d’apprendre les noms de quelques-uns de ces hommes, devenus sacrés dans la tradition scientifique, mais qui touchaient aussi, franchement, aux arts arcanes. Et nous serions facilement étonnés, aussi, peut-être, à savoir dans quel degré ces luminaires se seraient donnés aux poursuites ténébreuses de la magie.
Sachons, ainsi, d’après ses écrits survivants, que Isaac Newton lui-même (cette icone scientifique par excellence) passait le plus gros de son génie dans des études que l’on qualifierait aujourd’hui « d’occultes » ; et beaucoup moins dans les recherches plus humbles — de mathématique et de lois physiques — qui lui aient gagné le titre du premier parmi les fondateurs de la science moderne.
Mais quel qu’il en soit, et pour revenir au discours présent : pas moins de deux sur trois de ces programmes, si chers à l’esprit humain — c’est à dire la création de la vie, et la conquête du vieillissement — sont toujours à la base des recherches médicales de nos jours ; leur plein accomplissement sous-entendrait une maîtrise parfaite de la maladie, de la vie, et de la mort ; et ils demeurent clairement de nos jours (autant que dans les brumes occultes du passé) les buts fondamentaux vers lesquels tous les efforts des scientifiques ouvrants dans les sciences de la vie, sont ultimement dirigés.
Et encore, pour souligner la signification économique de ce constat : la poursuite de ces projets ne résulte pas seulement (ou même principalement) des caprices nés de la curiosité pure des savants — ni présents ni passés — mais bien de la disponibilité constante des ressources monétaires investies — génération après génération — par une série inépuisable d’êtres humains qui ne veuillent pas souffrir de la maladie, ni du vieillissement, et (surtout) : qui ne veuillent pas mourir.
— Une volonté de vivre qui ne meurt pas, même avec la mort : des Pyramides égyptiennes à la cryonie
Plus encore, cette volonté de survie se révèle tellement implacable que même devant l’évidence incontournable de la mort, c’est à dire, même dans la présence de cadavres sans vie, la détermination de nier cette évidence, et de prolonger ces vies échoues, puisse persister encore.
Or, il s’en serait résulté une multitude de tentatives pratiques, magiques et/ou scientifiques – parfois très élaborées et toujours dispendieuses — de réanimation des défunts, ou à tout le moins, de la préservation des corps sans vie. Et c’est ainsi que de nombreux cadavres soient entretenus, de nos jours, sous l’appellation plutôt optimiste de « patients » (par leurs conservateurs cryogéniques), se trouvant, alors, entreposées dans des scaphandres de liquide, à très basse température, dans l’espoir d’une résurrection ultérieure.
Mais sans contredire, la plus spectaculaire des allocations de ressources, vers une entreprise de préservation et de réanimation de corps humaines – une dépense véritablement sans limite autre que la capacité du peuple à payer — s’est immortalisée dans les momies et les pyramides des Pharaons égyptiens.
Car, oui ! Parfaitement. Ces monuments archétypiques de l’ingénuité et de la persévérance de l’humanité antique — encore et toujours aussi majestueux dans la conception et dans l’exécution — ne sont en fait que des monuments à la simple détermination des Pharaons à vivre, sans plus ; et aux efforts sublimes de leurs sujets les plus visionnaires : pour offrir un ensemble convaincant, de théologie et des techniques physiques, de pensée, de littérature, d’architecture et des habiletés apothicaires – incroyablement audacieux dans la conception, et infiniment minutieux dans le détail – fait pour gratifier, au moins en apparence, la volonté de leurs patrons.
— Une comparaison avec les dépenses consacrées, de nos jours, aux soins de santé personnels
Aussi faudrait-il admettre, avec lucidité et franchise, que l’attrait intense, de ces espoirs d’immortalité, n’affecte pas uniquement les imaginations mégalomanes, ni les gens ultra-riches (et ultrapuissants) en exclusivité. Car ce sont, au contraire, des éléments presque universels à la psyché humaine ; de sorte que nous assistons, de nos jours aussi, au spectacle imposant d’un octroi de ressources qui soit proprement Égyptienne dans son étendue ; des ressources toujours résolument consenties à cette même fin : d’échapper à notre mortalité commune.
Il existe une différence importante, cependant, en ce que ce sont, de nos jours, des budgets accordés, demandés — en fait péremptoirement exigés — par une population moderne, composée non de paysans/esclaves sujets aux caprices des Rois-Divinités de l’Antiquité, mais bien, de libres citoyens/consommateurs vivant en démocratie.
Aussi, tandis que les Pharaons aient dû se contenter des ressources disponibles, d’année en année, les citoyens canadiens auraient accès aux outils formidables de la finance nationale. Et c’est ainsi que, cette fois — en plus d’une négligence imprévoyante à l’égard d’autres impératifs collectifs – l’enthousiasme débridée pour les soins-santé nous confronte aux risques d’une implosion complète des finances publiques ; des risques non seulement pour nous, mais aussi pour les générations futures, suite aux conséquences d’une endettement extrême, contractée en large partie à cette fin.
Exagération ? Rappelons encore les chiffres américains : 17.5 pour cent du PNB, soit presque un dollar sur cinq ! et non des seules dépenses gouvernementales, mais bien de toute l’activité économique du pays ! Au Canada, peut-être, les couts sont légèrement moindres (et les services aussi) mais toujours est-il que ce cout doit être collectivement assumé par voie de taxation, ou d’endettement.
Alors, est-ce que même les Égyptiens de l’antiquité nous auraient dépassé dans leur ardeur pour la poursuite de l’immortalité ? Peut-être bien, mais si oui, ce ne serait que de très peu.
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